Les XVIIe et XVIIIe siècles

Le XVIIe siècle : le château de Chaville de Michel Le Tellier

Michel Le Tellier avait, de son père, hérité la seigneurie de Chaville en 1617. Quelques années après, en 1645, il acquiert la part d’héritage de sa sœur, Madeleine. Par la suite, il achète les biens que l’Hôtel-Dieu possédait encore à Chaville. Le Tellier ne limite pas là son ambition : en 1651 il va encore acheter les terres de son neveu, Jacques, puis en 1660 une maison et ses dépendances. L’année suivante, il achète près de la moitié de la seigneurie de Viroflay, comprenant terres, bois, prés. Sa propriété se trouve constituée de 2 parcs, le Petit Parc de 40 arpents (18,5 h), le Grand Parc de 420 arpents (186 ha).

En 1657, Michel Le Tellier obtient, par lettres patentes, l’autorisation royale de changer le chemin qui allait de Paris à Montfort-l’Amaury et de là vers la Normandie et qui traversait Chaville, pour créer sur ses terres un chemin neuf, depuis la sortie de Viroflay jusqu’à sa jonction avec l’ancienne voie, entre Chaville et le parc de Meudon. Cette voie est “La Route des Gardes” actuelle. En janvier 1661, un Brevet lui est délivré pour faire clore de murs continus son domaine.

Les années de 1635 à 1660 voient la construction de son château (entre les rues A.France et Saint-Paul) dont l’architecture due à Chamois – architecte du Roi -, est inspirée par celle du château édifié pour Louis XIII à Versailles. Avec son château en brique et pierre, ses douves, ses immenses Communs, sa ménagerie, ses orangeries, ses jardins, dessinés par André Le Nôtre (?), qui offraient des parterres en dentelle, des bassins aussi petits que nombreux, dont les jets d’eau étaient alimentés par les étangs voisins, Chaville gardait un aspect modeste, malgré des terres et des dépendances importantes. Le Parc était une propriété de rapport, les allées étaient bordées de pins ou d’épicéas, les pièces d’eau naturelles avaient reçu des formes géométriques et de nombreuses constructions : Les Pavillons des Huberies et de l’Ursine, le pavillon de l’Abbé avec ses 4 escaliers, la Bellevue, Gloriette que cantonnaient les 4 Pavillons des Bertisettes, fantaisie de la Chancelière puis sur Viroflay, la vielle demeure de Gaillon mi-ferme mi-château où le Chancelier s’était réservé un logement. Tous ces éléments rendaient le domaine agréable et varié.

Le vieux village d’Ursine, enclos dans son domaine, fut rasé, l’église démontée et reconstruite à Vélisy, les habitants furent obligés d’abandonner leurs terres et leurs maisons.
La mort du Chancelier Michel Le Tellier survint en octobre 1685. Le château est peu à peu laissé à l’abandon et la chancelière vend le domaine – Chaville, Viroflay, Villacoublay (*) – à Louis XIV en décembre 1695.

Vente du Domaine de CHAVILLE (Extraits du “Journal de DANGEAU”) :
“Le ROI nous a dit qu’il avait acheté la Maison et le Parc de CHAVILLE pour en faire présent à Monseigneur, qu’il va faire abattre la muraille qui séparait le Parc de Chaville à celui de Meudon. Le ROI donne à Madame la Chancelière Le Tellier et à sa Famille 650.000 francs payables en 4 Termes, un an après la Paix. En attendant, il en paiera les intérêts au denier 20. CHAVILLE avec ce qui est joint, vaut plus de 20.000 livres de rente, ainsi le ROI paye environ au denier 30. Mr l’Archevêque de Reims (frère de Louvois) qui a fait le marché avec le ROI, n’avait jamais voulu dire de prix, il s’en est rapporté au ROI lui-même et toute la Famille est fort contente du prix.” (29 décembre 1695)
“…le 10 janvier 1696, Mgr (le Grand Dauphin) partit de bonne heure de Meudon avec Mme la Princesse de Conti et les Dames qu’il avait menées et passa par Chaville. Il trouva la Maison très petite et les Jardins parfaitement beaux. Il fera meubler quelques chambres pour pouvoir y venir quelques fois faire collation. JOYEUX sera Capitaine de Chaville comme de Meudon”.
“…le 12 janvier 1696, le ROI s’est promené à Chaville avec Mgr, il ne croit pas que cette acquisition fut nécessaire à Meudon mais il l’a faite pour faire plaisir à Mgr qui trouve le Parc et les Jardins de Chaville plus beaux que le ROI ne les trouve.”
“Juillet 1696 : on a fabriqué une machine pour lever et transporter les arbres en motte à Meudon. Avec cet instrument on retirera de Chaville de fortes charmilles et les vieux arbres épicéas du Chancelier Le Tellier qui seront replantés à Meudon, transformant en avenue, l’Allée Neuve”
“5 juillet 1701 : Le ROI propose de joindre les 2 Parcs de Meudon et de Chaville ou de ne les laisser séparés que par un fossé et d’en abattre la muraille.”
“15 Novembre 1706 : Louis XIV va voir prendre les animaux dans les filets. Début décembre on commence la démolition de la muraille.”

*La moitié du domaine appartenait à son fils, Louvois, depuis 1677.

Le XVIIe siècle : Le grand Dauphin

Louis XIV et son fils aîné le Grand Dauphin préférèrent toujours Versailles et Meudon et jamais ne songèrent à faire de Chaville une demeure royale où la Cour pourrait y séjourner de temps en temps. Chaville était d’ailleurs trop exiguë pour recevoir de nombreux hôtes.

Nous avons vu que dès le début du XVIIie siècle, le château avait déjà besoin de nombreuses réparations.

L’abandon de Chaville par Louis XIV s’accentua encore avec Louis XV, qui n’y vint jamais. En donnant la jouissance à vie du domaine à plusieurs grands seigneurs, il marqua par ce fait même son peu d’attachement à Chaville. Seule la forêt l’intéressait davantage pour les plaisirs de la chasse.

Les propriétaires viagers : de Torcy, Talmont, Brancas n’y séjournèrent que rarement, préférant Paris ou Sèvres. Son délabrement s’accentua d’année en année, pendant plus de trente-cinq ans aucune réparation n’y fut effectuée.

Le XVIIe siècle : Les usufruitiers (La marquis de Torcy, le prince de Talmont, le duc de Brancas-Villars, la Cie d’agriculture)

Le marquis de TORCY (1665-1746)

Jean Baptiste Colbert marquis de Torcy, fils de Colbert de Croissy est né en 1665, décédé en 1746, Il épouse en 1696 Catherine-Félicité Arnauld de Ponponne. Neveu de Jean-Baptiste Colbert. Il succéda à son père comme secrétaire d’État des Affaires Étrangères en 1689. Aussi ambassadeur extraordinaire au Portugal (1684) au Danemark (1685) puis en Angleterre 51687). Il s’occupa des affaires de Hollande et de la Succession d’Espagne (1709) ministre d’État puis surintendant des Postes à la mort de Louis XIV. Il devint membre du Conseil de Régence en 1715. Il a acquis en 1711 Sablé-sur-Sarthe où il a fait édifier le château. Le domaine de Chaville lui fut donné meublé et entretenu  en jouissance le 15 mars 1712 afin qu’il s’y rende, pour aller s’y délasser de ses occupations.  Il rendit volontairement le domaine au Roi au cours de l’année 1718

 Le prince de TALMONT (1658-1738)

Le château fut concédé à Fréderique-Guillaume de la Tremoïlle, prince de Talmont, qui le garda de 1718 jusqu’à sa mort le 21 janvier 1738. Il se marie à Èlisabeth-Anne Bullion en 1707. Les titres de Duc de la Tremoïlle et de Prince de Talmont seront transmis aux autres branches, jusqu’en 1933, où ils s’éteignent avec le 17e Prince de Talmont.

 Le duc de BRANCAS-VILLARS ( 1682-1760 )

 Le domaine passa au duc de Brancas-Villars de 1737 à 1760. Louis Antoine, Duc de Brancas, né le 12 août 1682, meurt le 19 février 1760. Le Duc était Maréchal de France, chevalier de la Toison d’Or. Il avait épousé Marie Angélique Fremyn en décembre 1709. Il faut noter que les Brancas-Villars obtinrent le 24 novembre 1792, du duc d’Orléans, la jouissance à vie d’une propriété sise au bout du Parc de St-Cloud. L’Hôtel est actuellement l’ Hôtel de Ville de Sèvres. Son fils, né en mars 1714, Louis II de Brancas,  y sera arrêté sur ordre du Comité Révolutionnaire de Sèvres le 19 octobre 1793, et incarcéré à la prison de la Force à Paris, ainsi que sa femme et sa belle-fille et son neveu, il sera guillotiné le 16 février 1794.

Le comte (1736-1814) et la comtesse de TESSE

 René Mans, sire de Froulay, comte de Tessé, est le descendant d’une vieille famille du Maine. Maréchal de camp, il est aussi Lieutenant Général du Gouvernement du Maine, Premier Écuyer de la Reine, député aux États-Généraux .Il épouse le 26 juin 1765 , Adrienne Catherine de NOAILLES . 

Un Brevet Royal du 15 juillet 1764, avait concédé la propriété à titre d’usufruit, aux Comte et Comtesse de TESSE «à charge de construire une Maison et un jardin » avec le droit d’utiliser les matériaux de l’ancien château. Les TESSE construisent un château néo-classique, sur les plans de l’architecte Etienne Louis BOULLEE. Le bâtiment était très élégant avec une façade ornée de pilastres ioniques et de sculptures, pourvu de deux ailes. Son principal attrait résidait dans le Parc, conçu comme un jardin « anglo-chinois » selon la mode de l’époque : bosquets, fausse rivière, grottes, tour. Des bâtiments annexes, des dépendances, écuries jardin potager, orangerie, chapelle, complétaient le tout. Le Parc avec ses fausses ruines et fabrique, renfermait des espèces rares, très nombreuses et variées (147 espèces différentes). Lors de la vente des Biens séquestrés, à la Révolution, on dispersa plusieurs milliers de plantes entre autres :un lot de 2094 plantes exotiques.  … ! Toutes furent réinstallées au Jardin des Plantes de Paris.

 ESSAIS DE MISE EN CULTURE DU DOMAINE SOUS LOUIS XV 

Un arrêt du Conseil du 21 mars 1761 établit que la Compagnie d’Agriculture devra défricher et rétablir la culture des terres vaines et vagues ou incultes, et dessécher les marais, en vue d’augmenter l’abondance et la population dans la Généralité de Paris.

Un bail était signé et l’arrêt du 24 mai 1761 autorisait la prorogation du bail passé avec la Direction des Domaines de Meudon jusqu’à la Saint-Martin 1772 en faveur du sieur Montrozier et de ses cautions.

En concédant à cette Société, le domaine de Chaville, le Roi espérait ainsi donner une nouvelle prospérité à notre petite localité. Certes l’idée était heureuse et aurait sans doute pu donner d’excellents résultats par le développement de l’agriculture et l’assainissement des parties marécageuses et insalubres du terroir. Malheureusement, il n’en fut rien, car la Compagnie d’Agriculture mal gérée fut en perte de plus de 400.000 livres. Pendant la durée de l’exploitation, le manque de surveillance et l’incurie firent que la Société eut à subir de nombreux dommages sans compter le pillage des bois abattus par les habitants.

Le bilan à la fin de la concession s’établissait ainsi : Traité pour un capital de 710 000 £ dont 300 000 £ payables comptant puis le reste en quatre années.

L’exploitation des bois avait rapporté 701 597 £, 7 sols et 2 deniers, déduction faite de 287 603 £, 7 sols, 3 deniers de frais divers.

La Compagnie avait payé en loyer pour ce chantier 345 182 £, 3 sols, 6 deniers, frais de commis, flottage des bois livrés à la Marine jusqu’à Rouen, fret de Rouen au Havre, intérêts et frais de régie.

Il ne lui était resté net que 356 415 £, 3 sols, 8 deniers, lesquels déduits des 710 000 £ de capital engagé, établissaient une perte réelle de 353 584 £, 16 sols, 4 deniers avec 80 000 £ dus par divers, soit 433 000 £ en totalité.

Cent ans à peine après sa construction, le château de Chaville était presque tombé en ruines et devenu inhabitable. Nous pourrions nous étonner qu’en si peu de temps cette demeure soit en si triste état. Il ne faut pas oublier que dès la mort du Chancelier, le château fut presque abandonné par ses maîtres.

De plus, le climat généralement pluvieux et humide de notre région contribua également à sa ruine rapide. Aussi, le Conseil du Roi, par son arrêt du 12 décembre 1764, ordonna-t-il que le château et les bâtiments en dépendant, à l’exception toutefois de l’orangerie, de la ferme et dépendances, fussent abattus par les soins du sieur Aubert, entrepreneur des Ponts-et-Chaussées, ainsi que tous les bois en dehors et en dedans du Parc. Les plombs et les fers des démolitions représentèrent une valeur assez considérable et les coupes des bois et bosquets rapportèrent environ 36 000 £.

Deux ans à peine après sa démolition, en l’année 1766, Louis XV estimant que ce magnifique domaine sans son château était devenu un corps sans âme, ordonnait la construction d’un autre château à quatre-vingts toises du premier et sur le même alignement. 11 fit planter de nouveaux jardins et aménager les avenues du parc.

En 1769, une vente par les Domaines, des arbres, pins et épicéas formant les allées de l’ancien parc, rapportèrent 63 200 £. Le domaine de Chaville reconstitué fut donné par le Roi au Maréchal comte de Tessé et fit désormais partie des biens de l’illustre famille de Noailles jusqu’à la Révolution française.

Chaville et la Révolution, le Cahier de Doléances

Le Roi Louis XVI avait convoqué les États Généraux, pour tenter de résoudre les problèmes politiques et financiers, le déficit des finances devenant catastrophique.
La séance inaugurale eut lieu le 5 Mai 1789 dans la grande salle de l’Hôtel des Menus-plaisirs à Versailles.
Mais en préparation à l’ouverture des États Généraux, avait eu lieu une vaste enquête d’opinion dans tout le royaume.
Selon l’usage, dans chaque Bailliage, les Assemblées des trois Ordres (clergé, noblesse, tiers-état) rédigèrent des “Cahiers de doléances, plaintes et remontrances” qui devaient être apportés aux États par les députés.
Toutes les Communes, toutes les corporations, rédigèrent sur la Milice, sur les libertés… Mais aussi beaucoup de revendications locales.

Le Cahier de Doléances de CHAVILLE a été écrit par une Assemblée composée des notables de la Paroisse, par les principaux artisans. L’Assemblée générale eut lieu le 16 avril en l’église.
Le cahier comporte 25 articles et sera signé, en présence du Procureur du Bailliage de Meudon dont dépend la Paroisse de CHAVILLE. Parmi les 29 signataires, on trouve le Syndic de la Commune, les 6 Membres “exécutifs” de la Paroisse, les 2 Marguilliers, et 20 membres du Tiers-État. Il est intéressant de noter que 6 exercent la profession de blanchisseurs, activité importante de CHAVILLE. Parmi les signataires du Cahier, 4 seront élus Maires (J.B. LAROQUE, 1790- 1791, le premier Maire de CHAVILLE. J. DEQUATRE, 1791-1792. P. GENTIL, 1792-1795. A. DADA, 1795-1796). 14 seront Officiers Municipaux entre 1790 et 1816 !
La Paroisse de CHAVILLE comptait 180 feux, soit 820 habitants environ en cette année de 1789.

Dans ce Cahier, on retrouve mentionnés, les problèmes d’ordre général qui préoccupent l’ensemble du peuple français, par exemple :
– liberté individuelle, “sacrée et inviolable,”
– liberté de circulation,
– droit sacré de la Propriété,
– répartition équitable des impôts,
– égalité des citoyens devant la Loi,
– uniformisation des poids et mesures.

Cependant les problèmes spécifiques à la Paroisse, ne sont pas oubliés. CHAVILLE étant entouré de bois giboyeux, et faisant partie du Domaine Royal, voyait ses terres constamment endommagées par les “ Chasses royales”, on peut lire à l’article 8 :

“…réclamation contre les abus des chasses, ruineux et oppressifs, où le cultivateur à cause du lapin et du gibier ne retire pas souvent le grain qu’il met en terre et où la grande bête foule et détruit tout et qui, étant chassée, attire 30 à 40 fois par année, cent chevaux à travers les champs et une foule de gens à pied, les champs sont dégradés, les denrées dévastées… ”
Plainte également au sujet des routes et chemins crées pour les Chasses :
“ Le Tiers-État se plaint que les deux-tiers du territoire de cette paroisse ont été néanmoins enclos, sur différents temps, dans le Grand et le Petit Parc de Meudon, contre le gré des habitants et sans dédommagement suffisant… que les Officiers des Chasses ont fait percer des routes à travers les propriétés des particuliers sans leur aveu sans forme et sans indemnités…il leur est défendu de passer pour l’exploitation de leurs terres par ces routes formées à leur dépend et dont la communication leur est empêchée par des barrières…” (article 8)

Autre récrimination, très importante pour les habitants et vraiment spécifique (article 25) :
“… qu’il soit pris les mesures pour affranchir la Paroisse de l’infection et de la corruption que cause dans
ladite Paroisse, le passage de la décharge des vidanges de la voirie de VERSAILLES.”

Dans l’article 20, on aperçoit un des problèmes important pour la commune, enserrée entre coteaux et forêts, sans possibilité d’expansion des cultures :
“… que les Domaines du Roi soient déclarés aliénables et comme tels vendus, qu’en conséquence il plaise à Sa Majesté, d’accorder aux habitants les terres de sa Ferme de CHAVILLE, avec la jouissance des eaux qui s’y trouvent… que le terrain qui formait autrefois la “Commune” de cette Paroisse, qui a été aliéné soit restitué… ”

Le Cahier de Doléances fut porté au Bailliage de Meudon par deux députés désignés par l’Assemblée, J.B. LAROQUE et J. DELORAILLE.
Le Bailliage secondaire de Meudon regroupait les communes de MEUDON, CHAVILLE, CLAMART, VÉLIZY, VIROFLAY.
Les Cahiers étaient refondus en un seul Cahier qui devenait le “Cahier” du Bailliage.
Les délégués portaient ce cahier au Bailliage Principal. Selon le même processus, un autre cahier refondait les doléances précédentes, devenant le cahier définitif. Une Assemblée Générale procédait à l’élection des Députés désignés pour siéger aux ÉTATS-GÉNÉRAUX.

Pierre Lescot, Jean Lacoste, Pierre Levi-Topal