Généalogie d’un bien : le cadastre …
Aujourd’hui, beaucoup de personnes recherchent des traces de leur passé via la mémoire familiale et leur arbre généalogique, mais aussi via l’histoire de leur maison ou des biens de leurs ancêtres. Pour effectuer ces recherches, on a besoin d’un acte de propriété pour consulter les archives notariales et/ou d’une adresse pour consulter le cadastre.
Aujourd’hui, je vous propose de découvrir l’histoire du cadastre et comment rechercher la « fiche d’identité » de votre maison.
Origine du cadastre napoléonien …
En 1790, l’ancien régime souhaite instaurer une meilleure égalité fiscale en unifiant sous la forme d’une seule taxe les différents impôts fonciers existants. Pour cela, la loi du 23 novembre/1er décembre 1790 indique que “ l’assiette de la contribution foncière sera répartie par égalité proportionnelle sur toutes les propriétés foncières à raison de leurs revenus nets ” soit après déduction “ des frais de cultures, semences, récoltes et entretien” (article 1 et 2).
Le bureau du cadastre est créé. Son rôle : établir un plan parcellaire représentant en masse les différentes cultures et propriétés imposables de la commune. Il fermera ses portes en 1801 par manque de moyens financiers et la réquisition des géographes par les militaires.
En 1802, devant la grogne des propriétaires, Napoléon 1er conseillé par M. Gaudin duc de Gaëte, ministre des Finances, fait établir une commission chargée de définir et de garantir la réalisation d’un cadastre parcellaire type à l’image de ceux des pays voisins comme Le Piémont et la Savoie … (Arrêté du 22/12/1802 de Saint-Cloud).
Pour Napoléon « les demi-mesures font toujours perdre du temps et de l’argent. Le seul moyen de sortir d’embarras est de faire procéder sur le champ au dénombrement général des terres, dans toutes les communes de l’Empire, avec arpentage et évaluation de chaque parcelle de propriété. Un bon cadastre parcellaire sera le complément de mon code, en ce qui concerne la possession du sol. Il faut que les plans soient assez exacts et assez développés pour servir à fixer les limites de propriété et empêcher les procès ». C’est ce qu’il indique, en 1807 à M. Mollien, ministre du Trésor.
Conformément à ses souhaits le cadastre parcellaire rentre en vigueur en 1808.
En 1811, un code des cadastres, regroupant tous les textes dans ce domaine, intitulé « Le recueil méthodique des lois, décrets, règlements, instructions et décisions sur le cadastre de la France », indique aux géomètres comment effectuer la délimitation du territoire.
L’opération de cadastrage est estimée, par Napoléon en 1811, à 30 millions de francs et 20 ans de travail. Ainsi, entre 1808 et 1813 neuf mille communes sont cadastrées soit 36 827 165 parcelles ou 11 837 303 hectares.
Toutefois, il faudra attendre presque 42 ans après l’entrée en vigueur du cadastre (en 1850) pour que 126 079 962 parcelles soit 53 027 894 hectares soient cadastrés.
(Source « Fortune publique et finance de la France P. Boiteau d’Ambly »).
Cadastre de Chaville Section B « Le village » en 1816 |
Mais le cadastre napoléonien présente un grave défaut : il est immuable
La France change : le droit d’ainesse est aboli, l’industrie et l’urbanisation se développent rendant caduc le cadastre napoléonien. Il faut donc le rénover.
Le cadastre rénové ….
La rénovation va s’étendre sur plusieurs années, et en fonction des besoins et des dirigeants, le cadastre va être soit mis à jour, soit renouvelé (création de nouveaux plans sans délimitation des propriétés) soit on procédera à une réfection (confection de nouveaux plans avec délimitation des propriétés).
Cadastre Chaville « le village » en 2015 |
La rénovation en quelques dates :
1891 : une première commission travaille sur la réfection du cadastre et les procédures pour conserver ces mises à jour.
1930 / 1941 : La loi du 16 avril 1930 propose qu’en se servant de l’ancien cadastre comme base, l’Etat révise les évaluations foncières des propriétés non bâties, effectue les opérations de réfection du cadastre dans les communes où ce travail est indispensable et conserve les plans rénovés sous forme de fiches parcellaires et de nouvelles matrices des propriétés bâties et non bâties.
Mais après 5 ans de travaux il s’avère que la totalité du cadastre napoléonien a besoin d’être rénové.
Le 17 décembre 1941 : nouvelle date importante dans l’histoire du cadastre : l’unification des modalités d’exécution de la réfection grâce à la mutation des différents agents du cadastre en un seul service : le service du cadastre dépendant du Secrétariat à l’Economie Nationale et aux Finances.
1951/ 1955 : A partir de 1951, l’IGN réalise des agrandissements photographiques aux 1/5000 des clichés et aux 1/25000 de la couverture aérienne ce qui facilite la réfection du cadastre.
En 1955 : les décrets du 4 janvier et du 30 avril imposent au conservateur des Hypothèques la tenue d’un fichier immobilier. Il doit donc enregistrer tous les actes notariés (vente, succession, cession de toute nature) de tous types de biens immeubles.
En :1974 : A partir de 1974 des rénovations ponctuelles et sur demande sont réalisées.
En :1990 : le cadastre rentre dans l’ère numérique permettant aux internautes de visionner les plans de chez eux.
En : 1931, 340 communes étaient rénovées, en 1950 ce nombre atteignait 18866 et en 1988 il ne restait que 140 communes à rénover (exclusivement dans les départements d’Alsace-Moselle) sur les 36537 communes françaises (source Histoire du Cadastre).
Pour les particuliers, le cadastre est une source de renseignements, alors que trouve-t-on dans le cadastre ?
Contenu du cadastre ?
On y trouve 2 types de documents : les plans et les registres
Pour le plan cadastral napoléonien :
- les plans :
Contiennent :
Feuille de section B « le village »- Cadastre 1816 |
Letableau d’assemblage qui présente le plan général de la commune avec son découpage en sections (les couleurs correspondent à la nature des cultures contrairement au cadastre rénové).
Les feuilles de sections : ensemble de plans établis aux 1/1250e pour les zones urbaines et aux 1/2500e ou aux 1/5000e pour des zones rurales sur des plans du cadastre napoléonien, sur lesquels figurent des renseignements d’ordre géographique, les délimitations et la nature de l’occupation des sols (champs, forêts, bâtiments).
Ces feuilles sont divisées en parcelles identifiées par une lettre et un numéro (exemple : A125). Ces références sont désignées par une lettre lorsque le plan napoléonien a simplement été mis à jour et deux lettres lorsqu’il a été renouvelé ou refait entièrement et le numéro de la parcelle.
- les registres
Contiennent :
L’état de section qui recense les propriétaires de chaque parcelle.
Matrice des propriétés de M. Cazalot en 1818 Quartier Saint Paul |
Les matrices cadastrales qui consignent les mutations successives de propriété et les noms des propriétaires avec leurs numéros de comptes. On y trouvera aussi divers les éléments de propriétés (taille, orientation …) et leur évaluation fiscale pour le calcul des impôts locaux (taxe d’habitation et taxe foncière). Ces éléments émanent des déclarations faites par les propriétaires.
Les matrices disposent de tables alphabétiques qui renvoient aux folios dans lesquels sont indiqués les noms des propriétaires d’origine et ultérieurs (par voie de succession, de donation ou d’acquisition). Ces tables alphabétiques sont en général en tête du premier volume
Les matrices, conservées par les Archives Départementales, sont renseignées depuis 1798 dans certaines communes, mais elles ne sont réellement obligatoires que depuis 1821. Et à partir de 1882, les matrices portant sur le bâti et le non-bâti sont distinctes.
Pour le plan cadastral rénové :
La méthodologie est la même mais les contenus sont plus simplifiés.
Feuille de section AK « Quartier Saint-Paul – Mare Adam » en 2015 |
Les plans :
Un tableau d’assemblage et les feuilles de section (établies aux 1/500e ou aux 1/1000e pour les zones urbaines et aux 1/2000e pour des zones rurales).
- Les registres :
L’état de section indique une nouvelle numérotation des parcelles, différente de celle du cadastre napoléonien. À partir de 1956, ils sont simplifiés et indiquent des renseignements fonciers et le numéro de compte du propriétaire.
Les matrices : avant 1955, elles sont composées d’autant de comptes qu’il existe de propriétaires distincts. Chaque compte comprend un feuillet pour les propriétés bâties et un feuillet pour les propriétés non bâties.
Après la réforme de la publicité foncière de 1955 sont créés les comptes fonciers où sont inscrites toutes les propriétés faisant l’objet d’une transaction, tandis que les anciens comptes subsistent sous le nom de « compte fiscal ».
Par conséquent à un même propriétaire peuvent être rattachés deux comptes différents, compte foncier et compte fiscal.
À partir de 1974, il s’agit de matrices mécanographiques, produites lors du passage des services du cadastre au système Majic 1 (Mise à jour des informations cadastrales 1).
En 1981, les feuillets sont remplacés par des microfiches. Une collection nouvelle est créée par année. (Source AD Seine et Marne).
Comment chercher dans le cadastre :
- Sur le plan napoléonien : il faut identifier la parcelle et relever la lettre de la section et le numéro de la parcelle.
- Puis consulter l’état de section pour connaître le nom du propriétaire correspondant au numéro de la parcelle.
- En se reportant à la table alphabétique des matrices foncières ont obtient pour chaque propriétaire le numéro de son compte.
- Lorsque sur la page du propriétaire on a repéré le numéro de la parcelle recherchée, on peut suivre les mutations de cette parcelle via les colonnes « tiré de » et « porté à ». Ces colonnes indiquent la date d’acquisition de la parcelle et éventuellement la date de sortie du compte et le nom du propriétaire suivant.
- Lorsqu’il n’existe pas de numéro dans la colonne « porté à », cela signifie que la parcelle est encore au compte du propriétaire à la clôture de la matrice. Il faut alors prendre la série suivante des matrices, et recommencer la recherche.
Attention : Il peut exister plusieurs séries de matrices et de plans. Il est donc important de consulter le plan et les matrices constitués à une même date. En effet si les deux ne correspondent pas, il est possible qu’une renumérotation ou une révision ait eu lieu. Ces matrices peuvent également correspondre à des plans dont les Archives ne seraient pas dépositaires.
Où consulter le cadastre ?
- En mairie, au service du cadastre pour les plans rénovés.
- Aux Archives départementales : à la section P pour le cadastre napoléonien.
- À noter que certains centres d’archives les ont numérisés et les proposent à la consultation sur Internet :
- Sur cadastre.gouv.fr – Plan cadastral rénové des communes.
Attention seules les feuilles de sections sont aujourd’hui consultables en ligne. Les registres (états de section/matrice) ne sont consultables qu’aux archives départementales.
Si les archives cadastrales n’ont pas entièrement satisfait votre curiosité sur l’histoire de votre maison, les archives notariales de votre propriété et, si la chance est avec vous, les terriers viendront compléter ces informations et vous permettront de remonter le temps.
Maryline RAIS