Vous avez dit : DIX CHÂTEAUX !
Certains comptent trois châteaux à Chaville, ils ont trop écouté Cadet Roussel qui avait trois maisons. En réalité Cheville n’a compté que 2 réels châtelains ayant demeure et la prérogative du droit de justice sur la commune. (vigny et le Tellier)
Personnellement j’en compte une « foultitude ».
Je ne vais pas parler des différentes mottes féodales comme celle recensée sur la butte de Morval.
Non, je vais vous parler de châteaux et vais toutefois omettre les « demeures et hôtels seigneuriaux » du type de ceux de l’Ursine, de l’Hôtel Dieu attesté dans de nombreux documents, ou encore du Doisu; pourtant je devrais car ce dernier a sans doute servi de repos entre deux chasses à Henri IV (le viel chasteau du doizeu 1518), je vais vous parler de mes dix châteaux.
Premier château
Le premier est le Chastel des nombreux seigneurs laïques de Chaville avant les Le Tellier. Il date sans doute du XIIIe siècle, il est décrit par l’abbé Dassé comme suit « En 1591 Simon de Vigny décède laissant le château, fort modeste, quasiment en ruine, le pont levis tombe dans le fossé boueux où il y avait précédemment des eaux vives. Le colombier a perdu sa toiture, le jardin, clos de murailles en ruines qui laisse apparaitre de nombreuses brèches. La plupart des bâtiments sont inhabitables ». Lescot rajoute à cette description : puits, fossés, étang, basse-cour, colombier à pied, et murailles qui en faisaient le tour. J’hésite à le représenter car je ne vois pas le donjon mais il devait être très semblable à ce château.
Second château
C’est celui de Michel Le Tellier Ier, correcteur des comptes, construit vers 1596 après avoir rasé le château féodal, la maison seigneuriale sus citée. On sait que Jean de Vienne exécuta pour le parc un Neptune en bronze. Ce château se trouvait approximativement à la même place que le troisième château.
Deux représentations veulent le montrer. La première fait suite à une étude de M Schlumberger (sans référence); la seconde est un projet architectural se trouvant au musée national de Stockholm. Comme pour les vues de Perelle, c’est une vue d’architecte qui espérait que ses dessins lui permettraient d’obtenir des commandes. Lequel de ces châteaux en définitive a été construit puis détruit par le petit-fils ? On ne le sait pas
Troisième château
Le troisième château, le plus connu, est celui de Michel Le Tellier III, le chancelier, dont de nombreuses représentations existent. Michel Le Tellier III, le ministre de Louis XIV, agrandit encore le domaine, qui passa à 529 arpents, comprenant un grand et un petit parc. Il fit abattre le château de son grand-père et construire une nouvelle demeure par l’architecte Charles Chamois, dont toutes les œuvres connues ont disparu. D’après la légende d’une gravure de Perelle, cette construction fut achevée vers 1660. Devant le portail d’entrée, décoré de vases de pierre, se trouvait une demi-lune que traversait une rue, l’actuelle rue de Jouy. L’édifice se trouvait à 90 mètres de cette dernière, entre le boulevard de la Libération et le remblai du chemin de fer. Il était précédé de deux cours carrées, la première encadrée d’élégants bâtiments de communs, la seconde limitée en même temps que le château, par un quadrilatère de douves.
Nous ne connaissons l’édifice que par des gravures de Perelle, qui en montrent les deux façades, un dessin de Pitzler, et par des plans.
Les Archives nationales nous en donnent la distribution et le dessin des jardins. Le château se composait sur cour d’un corps de logis rectangulaire dont la travée centrale, encadrée de refends, était couronnée d’une lucarne ornée. Aux angles, deux pavillons coiffés à quatre pans, et largement décrochés. Sur jardin, on retrouvait à peu près la même disposition, avec un décor de bustes sur des consoles. Autour, s’étendait un parc de six cents arpents, attribué par certains, à Le Nostre, affectant la forme d’un losange qui s’étendait entre les actuelles avenue Roger Salengro, rue Anatole France et la rue de Jouy. Au-delà de ces dernières voies, son grand parc était mitoyen du domaine de Meudon.
Il était traversé, dans la diagonale du losange, par une grande perspective sud-est (le nord-ouest allant de l’entrée du domaine, près du village de Chaville, jusqu’à la route de Paris à Versailles (avenue Roger Salengro). Cette perspective était occupée par des parterres de broderies, suivis d’une grande pelouse ponctuée de bassins. De part et d’autre s’étendaient des bosquets percés d’allées en étoiles, vec un centre marqué par des constructions de treillage ou de bassins. On y voyait encore des étangs, des fontaines, une ile d’amour, plusieurs gravures de Pérelle en représentent divers aspects. Voici ce qu’en dit Jean de Santeul.
Ce n’est point un plan d’admirable
structure
Ni de jardins où l’art surpasse la nature. De l’ombre, quelques eaux et des berceaux galants font de cette maison les charmes les plus grands ;
Une propreté noble, une grâce champêtre,
C’est tout. Ainsi le veut la sagesse du maître.
La bibliothèque Méjanes, à Aix-en-Provence, conserve un traité des eaux de Chaville de 1693. Il y avait dix-neuf bassins et cinquante fontaines en cascades. La collection Cronstedt à Stockholm possède plusieurs dessins pour la « Calotte » de Chaville, bâtie par Monsieur Mansard.
Michel Le Tellier y mourut le 30 octobre 1685, juste après y avoir préparé les textes de la révocation de l’édit de Nantes. Sa veuve, en 1695, vendit le domaine au Roi, qui en fit don au Grand Dauphin pour agrandir son domaine de Meudon; le mur de séparation fut abattu. Tombés dans le domaine de la Couronne en même temps que Meudon, en 1715, le château et le petit parc de Chaville furent concédés par Louis XV en usufruit au prince de Talmont, puis en 1737 à la duchesse de Brancas. La demeure fut bientôt laissée à l’abandon. En 1761, la duchesse céda ses droits à une société d’agriculture qui, souhaitant abattre le château et déboiser le parc, se heurta à l’opposition de l’administration des bâtiments de la Couronne. Finalement, en 1764, un arrêt du Conseil d’État du Roi ordonna la démolition de l’édifice et l’abattage des arbres. L’année suivante le domaine fut concédé au comte (arrière-petit-fils du maréchal de Louis XIV) et à la comtesse de Tessé, à charge pour eux de reconstruire une demeure à quatre-vingts toises au nord-ouest de la précédente, en y employant les matériaux de celle-ci.
Quatrième château
La même année de 1764, le comte de Tessé passait marché pour la construction de la nouvelle demeure, qui fut confiée à Boullée. Les plans et élévations de l’architecte, retrouvés par M . Pérouse de Montclos, donnent une bonne idée du nouvel édifice; une grande maison rectangulaire à façade ornée d’un ordre de pilastres colossal, et qui n’est pas sans annoncer le pavillon de Mme du Barry à Louveciennes. La partie centrale du bâtiment était surmontée d’un attique de plan cruciforme. À l’intérieur, un salon carré central, orné de pilastres, était couronné d’un important plafond en veinure, peint. Les sculpteurs, Cauvet (qui travaillera avec Boullée à l’hôtel d ‘Évreux, actuel Élysée) et La Thuille avaient travaillé au décor intérieur. L’édifice était porté sur un socle abritant un sous-sol voûté. Les communs de Le Tellier furent conservés à l’entrée du domaine.
Le nouveau château situé vers l’actuelle avenue Talamon se trouvait au centre du parc en losange, lui-même complètement remanié. Au nord-est de la perspective s’étendait un jardin anglais, que nous connaissons par des gravures de Le Rouge, et qui comportait des fabriques : »kiosk » rustique, tour médiévale à créneaux et mâchicoulis, « maison du pauvre homme », ruine formée de deux colonnes de granit avec bas-relief commenté par une « inscription grecque ». Ce château avait une superficie trois fois plus importante que le château précédent.
M. Pérouse de Montclos pense que ce jardin a été dessiné vers 1765 sous la supervision de Boullée, et que ce serait donc l’un des premiers jardins paysagers de France. Cependant, dix ans plus tard, la Carte de chasse n’en donne qu’un dessin très imparfait. Les Tessé reçurent ici une société choisie. Une aquarelle attribuée au baron Tott, un de leurs invités et intitulée « les plaisirs de Chaville’’ montre l’intérieur du château avec ses hôtes.
L’un de ceux-ci fut Jefferson qui, après son retour aux États-Unis, envoya pour le parc des essences rares d’Amérique. À la Révolution, les Tessé émigrèrent, le domaine fut confisqué, morcelé et mis en vente. En l’an IV, le château, ses dépendances et le parc furent acquis par un nommé Gouly, chaudronnier de Bourg-en-Bresse, membre de la Convention puis du Conseil des Anciens. Gouly fit démolir l ‘édifice et le vendit pierre après pierre, vers 1800. Ce château devait comporter deux ailes qui par suite de la Révolution ne furent pas construites
Cinquième château
En 1817, ce qui restait du domaine passa à M. et Mme Cazalot, qui firent des agrandissements et construisirent l’année suivante un nouvel édifice :un bâtiment rectangulaire décoré de refends et, sur cour, d’un grand fronton circulaire, la façade sur jardin présentant un attique au corps central. En 1830, ils vendirent le domaine, qui comptait encore vingt-quatre hectares et qui fut en 1838 partagé en deux par la ligne de chemin de fer Montparnasse Versailles. La partie basse, au nord de la voie, fut vendue en 1883, et
lotie. La partie haute, avec le château, sur la rue de Jouy (angle de l’avenue Saint-Paul) passa vers 1850 à M. Le Prévost, fondateur de l’ordre des Frères de Saint Vincent-de-Paul, qui y mourut en 1879 et fut enterré dans la chapelle. C’est lui qui rajouta un étage à la demeure de M. Cazalot. Ce domaine fut occupé par les Prussiens et devint une des premières crèches pour les employées de Citroën, puis un orphelinat pour finir en MJC. Acheté par la Ville n 1964, ce dernier château fut démoli pour faire place à l’école Anatole France, sur la façade duquel une plaque rappelle l’emplacement du château de Chaville, cinq fois détruit.
Mais Chaville s’enorgueillissait aussi d’autres châteaux
Sixième château
Celui-ci situé dans le « Bas Chaville » fut connu sous deux noms : Château des Fleurs ou Château de la Folie, (les folies sont des maisons hors agglomérations construites par des aristocrates ou des bourgeois aisés pour servir en fin de semaine ou lors des vacances).
Il fut construit sans doute entre 1839/40 par le vicomte de Mauzin, puis acheté par le banquier Azevedo en 1855 puis en 1867 par Antoine Hypolyte Vaillant. Elle est achetée en 1876 par Pascal Léonce, co-directeur du Bon Marché. La propriété fut occupée par le X e Hussard, puis fut rachetée par la Ville en 1931 avec son terrain de 4.600 m2. Ce fut une école provisoire en attendant la restauration de Ferdinand Buisson. Après une période de dispensaire pour nourrissons, elle fut la première maison des jeunes et de la culture. Ses salons étaient loués pour des fêtes et bals costumés des associations du quartier. Elle fut démolie en 1957. Ce château se trouvait approximativement au niveau de l’école « les Myosotis »
Septième château
Le château de la Source ou Maisons Claires se trouvait avenue Roger Salengro à l’emplacement de l’actuel station service TOTAL.
Ce fut la seule appartenant en propre à l’œuvre des orphelins de guerre . Elle fut en service à la fin de la Grande Guerre . De nombreuses fêtes et Kermesses s’y déroulaient afin de financer l’établissement. La présidente était Madeleine Brisson ( alias Yvonne Sarcey ou Tante Yvonne) qui fut la fondatrice des « annales ».
Huitième château
Il en dit ceci, en 1890 : La maison de Belle Source , au Bas Chaville, où j’ai demeuré dans mon enfance est sise route de Versailles.
Transformée, elle s’appelle maintenant Château clos de la Source. La Source , avec tout le haut de l’ancien parc, fut séparée du reste par le chemin de fer « saint_ Lazare:Versailles RG », mais grâce aux dispositions réglées alors, la jouissance en est restée à la propriété. C’était un bâtiment de style Louis XIII bâti sur cave comprenant un rez-de-chaussée auquel on accède par un perron. Il comportait un premier étage carré, un deuxième étage lambrissé et un grenier couvert d’ardoises. Les dépendances étaient nombreuses, chalet, serre d’hiver, bâtiment du gardien, écurie, vacherie, basse-cour, faisanderie, colombier, poulailler, clapier, une tour et une pièce d’eau le tout sur 42 500 m2. Le démantèlement de la propriété a donné le lotissement du Clos de la Source crée en 1928.
Neuvième château
Une très grande maison qu’on appelait parfois le château du Parc qui a pour nom officiel : villa de la Boidinière. Située dans le Parc Fourchon où domine le style troubadour avec ses tourelles et mâchicoulis, mais aussi néo-renaissance avec son pavillon à toit à pans très pentus et hautes cheminées et oriental avec l’emploi ici ou là de baies avec ses arcs en accolade (C Benillan). Une partie de ce bel ensemble très éclectique existe encore sur une partie du terrain d’origine. C’est le château de la Belle au bois dormant. Le terrain est actuellement morcelé en treize parcelles. (Pour des photos avant/après regardez l’Arch’Èchos 33)
Dixième château
Pour finir, enfin presque, et aboutir à 10 Châteaux il faut aller regarder dans le plan du lotissement de la villa Montgobert ‘(avenue sainte Marie).
Une parcelle est titrée le « Petit château ». C’était peut-être le rêve du propriétaire.Ce gros pavillon a eu pour mérite d’abriter les orphelins qui ne pouvaient pas être logés à Saint Thomas de Villeneuve après la Première Guerre mondiale.
Sur le même plan, se trouve la villa Nemours bien connue des Chavillois.
Vous pouvez sans doute aller plus loin avec :
La mairie actuelle, traitée de château par les élus socialistes lors de leur installation pour leur premier mandat . La maison Courot, maintenant cernée par des bâtiments mais qui était un des emblèmes des Haras, etc … mais cette fois je vous laisse la main …ou les recherches.
Pierre Levi-Topal
BIBLiographie:. Dassé Abbé, Chaville historique, Chaville et Paris, 1897 ; Grouchy (Vicomte de), Meudon, Bellevue et Chaville, in Mem. de la Société d’histoire de Paris, Paris, t.XX ; Poisson (G.), Evocation du Grand Paris, la banlieue Sud, Paris, 1956 ; Pérouse de Montclos , Etienne-Louis Boullée, Paris, 1969 ; Rice (H.C.), Thomas Jefferson in Paris, Princeton, 1976. Ch. Benilan (aquarelles)